CHAPITRE VI
— Elvira !
— Hello ! Bridget !
L’honorable Elvira Blake pénétra dans l’immeuble n°180 d’Onslow Square, dont son amie venait de lui ouvrir précipitamment la porte, ayant guetté son arrivée d’une fenêtre.
— Montons chez vous, pressa Elvira.
— Oui, cela vaudra mieux, sinon Mummy nous embêtera.
Les deux jeunes filles grimpèrent vivement l’escalier, évitant ainsi la mère de Bridget qui apparut sur le palier un instant trop tard.
— Vous avez vraiment de la chance de ne pas avoir de mère, explosa Bridget hors d’haleine, refermant la porte de sa chambre avec colère. Bien sûr, Mummy est très gentille, mais toutes ces questions qu’elle pose ! Matin, midi et soir, elle n’arrête jamais. Où allez-vous ? Qui avez-vous rencontré ? Et sont-ils cousins de quelqu’un d’autre du même nom qui habite dans le Yorkshire ?
— Je suppose qu’elle n’a rien d’autre à quoi penser, répondit Elvira d’un ton détaché. Écoutez, Bridget, je dois entreprendre quelque chose de terriblement important et j’ai pour cela besoin de votre aide.
— Si je puis ? Qu’est-ce que c’est ? Un homme ?
— Non, il ne s’agit pas d’un homme. (Bridget eut l’air déçue.) Il faut que je me rende en Irlande pour vingt-quatre heures ou peut-être plus, et je vous demande de m’aider à dissimuler mon absence.
— En Irlande ? Pour quoi faire ?
— Je ne puis vous l’expliquer à présent. Pas le temps. Mon tuteur m’attend chez Prulier à une heure trente.
— Comment vous êtes-vous débarrassée de la Carpenter ?
— Je l’ai semée au magasin Debenham.
Bridget eut un rire étouffé.
— Et après le déjeuner, mon tuteur et elle me conduisent chez les Melford où je devrai rester jusqu’à mes vingt et un ans.
— Quelle horreur !
— J’arriverai bien à me débrouiller. Ma cousine Mildred est incroyablement facile à berner. Il est convenu que je dois venir à Londres pour suivre des cours. Je ferai partie d’un club appelé « Le Monde d’Aujourd’hui » qui nous emmène voir des expositions, assister à des conférences, visiter la Chambre des Lords et tout le reste. L’important est que personne ne sache si on est là où on doit théoriquement se trouver ! On pourra arranger des tas de choses, vous et moi.
— Sûrement ! (Bridget éclata de rire.) On ne s’est pas mal débrouillé en Italie, vous vous souvenez ? La vieille Macaroni qui se croyait si sévère ! Elle ne découvrit jamais rien de nos combinaisons quand on voulait filer quelque part !
Elles rirent toutes deux avec l’heureuse insouciance des jeunes filles qui ont réussi quelque mauvais tour.
— Reconnaissons, cependant, qu’il nous a fallu sans cesse ruser, remarqua Elvira.
— Et raconter de merveilleux mensonges. À propos, avez-vous eu des nouvelles de Guido ?
— Oui, il m’a écrit une longue lettre, signée Guinevra, comme s’il s’agissait d’une amie. Mais je voudrais bien que vous m’écoutiez, à présent, Bridget. Nous avons un tas de choses à mettre au point et je ne dispose que d’une heure et demie. Tout d’abord, je dois revenir demain à Londres pour un rendez-vous chez le dentiste. Facile. Je puis annuler le rendez-vous par téléphone, ou vous pourrez l’annuler vous-même d’ici. Vers midi, demain, vous appellerez les Melford en vous faisant passer pour votre mère et vous expliquerez que je dois retourner chez le dentiste après-demain et que vous croyez préférable de me garder chez vous, pour m’éviter les fatigues inutiles de voyages trop rapprochés.
— Ça marchera sûrement. Ils me répondront combien c’est aimable à moi, etc. Mais supposons que vous ne soyez pas de retour le lendemain ?
— Vous téléphonerez de nouveau aux Melford.
Bridget parut moins emballée.
— Nous aurons largement le temps d’inventer une excuse, la pressa Elvira. Ce qui m’inquiète le plus pour le moment, c’est la question argent. Vous n’en avez pas, vous ?
— Environ deux livres.
— Elles ne me serviraient à rien. Il faut que j’achète mon billet d’avion. Le voyage ne dure pas plus de deux heures : j’ai consulté les horaires. Le plus important est le temps qu’il me faudra rester en Irlande.
— Ne pouvez-vous me confier pourquoi vous allez là-bas ?
— Impossible ! Mais c’est terriblement, terriblement important.
La voix d’Elvira semblait si passionnée que Bridget regarda son amie, intriguée.
— Y a-t-il quelque chose qui ne va pas, Elvira ?
— Oui.
— Quelque chose que personne ne doit savoir ?
— En un sens, oui. C’est horriblement secret. Il faut que je découvre si quelque chose existe vraiment. Quelle barbe au sujet de l’argent ! Ce qui me rend furieuse, c’est que je suis très riche, mon tuteur me l’a appris hier, et pourtant, tout ce dont je dispose, c’est d’une somme ridicule pour m’acheter une robe. D’ailleurs, cet argent semble se volatiliser dès que je le touche.
— Votre tuteur, le colonel Machin, ne vous prêterait pas l’argent ?
— Aucun espoir de ce côté ! Et puis, il me poserait un tas de questions.
— Probablement. Je me demande vraiment pourquoi tout le monde pose tant de questions ? Savez-vous que lorsque quelqu’un me téléphone, Mummy se croit obligée de demander qui est à l’appareil ? Alors que cela ne la regarde en rien !
Elvira hocha la tête, mais son esprit était ailleurs.
— Avez-vous jamais mis quelque chose au clou Bridget ?
— Non. Je crois que je ne saurais pas comment m’y prendre.
— J’imagine que c’est assez facile. Vous allez chez une sorte de bijoutier qui a trois boules blanches en enseigne à sa devanture.
— Je ne pense pas malheureusement posséder le moindre objet qui vaille la peine d’être mis en gage.
— Votre mère n’a-t-elle pas des bijoux quelque part ?
— Je doute que nous puissions compter sur son aide.
— Vous avez raison, mais peut-être nous pourrions lui en chiper ?
— Oh ! je n’oserais jamais ! s’exclama Bridget, choquée.
— Non ? Vous avez peut-être raison. Mais je parie qu’elle ne s’en apercevrait même pas et on les lui rapporterait avant qu’elle ne constate leur disparition. Mais n’en parlons plus… Nous irons chez Mr Bollard.
— Qui est Mr Bollard ?
— Le bijoutier de la famille. Je porte toujours ma montre à réparer chez lui. Il me connaît depuis que j’avais six ans. Venez, Bridget, nous allons tout de suite chez lui. Nous avons juste le temps.
— Il vaudrait mieux que nous sortions par la porte de derrière, ainsi Mummy ne nous demandera pus où nous nous rendons.
Près du magasin de Bollard et Whitley, dans Bond Street, les deux jeunes filles mirent au point leur dernier plan.
— Vous êtes sûre d’avoir bien compris, Bridget ?
— Je crois, répondit cette dernière d’une voix lugubre.
— D’abord, nous allons synchroniser nos montres.
Bridget se dérida un peu. Cette phrase familièrement littéraire lui redonnait courage. Elles réglèrent solennellement leurs montres, Bridget avançant la sienne d’une minute, puis Elvira expliqua :
— L’heure zéro sera exactement à vingt-cinq. Cela me laisse largement assez de temps. Peut-être même plus que je n’en aurai besoin, mais c’est préférable.
— Supposons…commença Bridget.
— Supposons quoi ?
— Eh bien ! supposons que je me fasse réellement écraser par une voiture ?
— En voilà une idée ! Vous savez combien vous êtes agile et, à Londres, les automobilistes sont habitués à freiner brusquement. Tout se passera bien. Vous venez ?
Bridget ne paraissait pas tellement convaincue.
— Vous ne me laisserez pas tomber, Bridget ?
— Non, d’accord.
— Bien !
Bridget gagna le trottoir opposé et Elvira poussa la porte de la bijouterie. À l’intérieur, elle baigna dans une atmosphère qui lui parut aussi merveilleuse que ouatée. Un gentilhomme en redingote s’avança vers la jeune fille et s’enquit de ce qu’elle désirait.
— Pourrais-je voir Mr Bollard ?
— Mr Bollard. Quel nom dois-je annoncer ?
— Miss Elvira Blake.
Le gentilhomme disparut et Elvira s’approcha d’un comptoir où, sous les plaques de verre, miroitaient des broches, des bagues et des bracelets étalés sur du velours. Un instant plus tard, Mr Bollard fit son apparition. Il était l’associé principal de la firme, un homme d’environ soixante ans, qui accueillit Elvira avec une paternelle bienveillance.
— Miss Blake ! Vous êtes donc à Londres ? C’est un grand plaisir de vous revoir ! Voyons, que puis-je pour vous ?
Elvira présenta une délicate montre du soir.
— Ma montre ne marche pas très bien. Pourriez-vous me l’arranger ?
— Bien entendu. À quelle adresse dois-je vous l’envoyer ?
La jeune fille lui donna son adresse et enchaîna :
— Il y a autre chose. Le colonel Luscombe, mon tuteur que vous connaissez…
— En effet.
— … m’a demandé ce que j’aimerais comme cadeau de Noël. Il m’a suggéré de me rendre chez vous pour regarder différentes choses. Il voulait m’accompagner, mais j’ai préféré venir seule d’abord, parce que je trouve que c’est toujours embarrassant, vous comprenez ? à cause des prix…
— Je comprends très bien. Voyons, à quoi avez-vous pensé, Miss Blake ? Une broche, un bracelet, une bague, peut-être ?
— Je crois qu’une broche me serait plus utile, mais je me demande… Pourrais-je voir plusieurs bijoux ?
— Évidemment ! On n’éprouve aucun plaisir à se décider trop vite, n’est-ce pas ?
Les quelques minutes suivantes se passèrent très agréablement.
Faisant preuve d’une patience sans défaut, Mr Bollard sortit des bijoux de différentes étagères pour les étaler sur un morceau de velours sous les yeux d’Elvira. De temps à autre, cette dernière tournait la tête vers un miroir pour juger de l’effet d’une broche ou d’une pendeloque. Finalement, bien qu’encore hésitante, la jeune fille choisit une ravissante petite bague, une montre miniature ornée de diamants et deux broches.
— Nous allons noter tout ceci, s’empressa Mr Bollard, et lors de sa prochaine visite à Londres, le colonel Luscombe viendra peut-être nous confier ce qu’il aimerait vous offrir et… nous guiderons son choix.
— Ce sera beaucoup mieux ainsi, je crois, et il aura quand même l’impression d’avoir choisi lui-même mon cadeau.
Les yeux bleu limpide d’Elvira étaient fixés sur le visage du bijoutier. Ces mêmes yeux bleus venaient de remarquer qu’il était exactement l’heure fixée avec Bridget.
Arrivant du dehors, on entendit le grincement des freins d’une voiture bloqués à fond et le cri effrayé d’une femme. Inévitablement, tous les regards se portèrent vers la rue et le geste d’Elvira, dont la main alla de la table à sa poche, fut si rapide et si discret que même si quelqu’un l’avait observé à ce moment-là, il lui aurait été impossible de deviner ce qu’il signifiait.
— Oh ! s’exclama Mr Bollard. J’ai bien cru qu’elle se ferait écraser ! L’imprudente ! Se précipiter ainsi à travers la rue !
Elvira se dirigeait déjà vers la porte après avoir jeté un coup d’œil à sa montre.
— Mon Dieu, je suis restée bien trop longtemps ! Je vais manquer mon train pour la campagne. Merci beaucoup, Mr Bollard. Vous n’oublierez pas les quatre bijoux choisis, n’est-ce pas ?
Une minute plus tard, elle se retrouvait sur le trottoir, tournait rapidement dans une rue transversale, puis une autre, et s’arrêtait sous une arcade de magasin de chaussures, où Bridget, plutôt essoufflée, la rejoignit en s’exclamant :
— Seigneur ! que j’ai eu peur ! J’ai bien cru que j’allais être tuée. Et j’ai un grand trou dans mon bas.
— Aucune importance ! commenta égoïstement Elvira en entraînant son amie. Venez vite !
— Est-ce que… ça s’est bien passé ?
Elvira montra dans la paume de sa main un bracelet de diamants et de saphirs.
— Oh ! Elvira ! Comment avez-vous osé ?
— À présent, Bridget, il faut que vous alliez chez ce prêteur sur gages dont nous avons noté l’adresse. Essayez de vous faire verser une centaine de livres.
— Pensez-vous, supposons qu’ils disent… Peut-être ce bracelet est-il sur une liste de bijoux volés ?
— Ne soyez pas stupide. Comment serait-il déjà sur une liste ? Ils n’ont même pas encore remarqué sa disparition !
— Mais, Elvira, quand ils s’en apercevront, ils penseront peut-être… saurons-ils que vous l’avez pris ?
— Probablement s’ils s’en aperçoivent à temps.
— Mais alors ils iront à la police.
Elle s’interrompit alors qu’Elvira hochait lentement la tête et qu’un sourire ambigu lui retroussait le coin des lèvres.
— Ils n’iront pas à la police, Bridget. Certainement pas s’ils pensent que c’est moi qui l’ai pris.
— Pourquoi ? Que voulez-vous dire ?
— Comme je vous l’ai appris, je vais avoir un tas d’argent à ma majorité. Je pourrai alors m’offrir plusieurs de leurs bijoux. Croyez-moi, ils ne feront pas de scandale. Allez vite changer ce bracelet et ensuite vous me retiendrez une place d’avion à Aer Lingus. Il faut que je prenne un taxi à présent, je suis déjà en retard de dix minutes. Je vous verrai demain à dix heures trente.
— Oh, Elvira ! Je souhaiterais que vous arrêtiez de prendre de tels risques, gémit Bridget.
Mais Elvira s’engouffrait déjà dans un taxi.
Miss Marple passa quelques moments très agréables chez Robinson et Cleaver où, après s’être laissé aller à acheter des draps, coûteux mais de si bonne qualité, elle avait commandé des torchons bordés d’une rayure rouge.
Ayant laissé son adresse à St. Mary Mead, Miss Marple prit un bus qui la déposa aux magasins Army et Navy.
Ces magasins avaient été le repaire favori de la tante de Miss Marple à une époque depuis longtemps disparue. L’aspect en avait changé depuis et la vieille demoiselle se remémora sa tante Helen réclamant son vendeur attitré au rayon des épices. Elle la voyait s’installant sur un siège, avec son bonnet et ce qu’elle appelait sa mante « de popeline noire ». Durant une heure au moins, dans cette atmosphère paisible, tante Helen réfléchissait à toutes les sortes d’épices qu’elle pouvait acheter en prévision d’une longue période. Non seulement, elle pensait à Noël, mais se risquait à supputer ses besoins pour Pâques ! Pendant ce temps, la jeune Jane, qui s’impatientait, était envoyée au rayon de la verrerie en guise de distraction.
Ayant terminé ses achats, tante Helen s’exclamait alors d’un ton enjoué : « Que penserait à présent une certaine petite fille d’un bon déjeuner ? » Sur quoi, elles montaient toutes deux par l’ascenseur au quatrième étage et prenaient un repas qui se terminait toujours par une glace à la fraise. Ensuite, elles achetaient une demi-livre de chocolats fourrés à la crème et se rendaient en fiacre à un spectacle.
Sans doute, les magasins étaient-ils plus gais et plus éclairés aujourd’hui, et Miss Marple ne regretta pas ces améliorations. Le restaurant existait encore et elle décida de s’y rendre.
Alors qu’elle étudiait le menu avec attention, la vieille demoiselle regarda autour d’elle et ses sourcils se levèrent en signe de surprise. Quelle extraordinaire coïncidence ! Non loin, se trouvait une femme qu’elle n’avait jamais vue avant la veille au soir et qu’elle n’aurait jamais pensé rencontrer aux magasins Army et Navy ! Il s’agissait de Bess Sedgwick qu’elle se serait plutôt attendue à voir émerger d’une boîte de Soho ou descendant les marches du Covent Garden Opera, en robe du soir et coiffée d’une tiare de diamants. Les magasins Army et Navy correspondaient davantage aux gentlemen de l’Armée et de la Marine, accompagnés de leurs femmes, filles, tantes et grands-mères. Cependant, Bess Sedgwick s’y trouvait, élégante comme d’habitude, avec son tailleur sombre et sa blouse couleur émeraude, déjeunant à une table en compagnie d’un homme jeune au profil d’oiseau de proie, portant une veste de cuir noir. Penchés l’un vers l’autre, ils poursuivaient une conversation animée et ne semblaient porter aucune attention à ce qu’ils mangeaient.
Un rendez-vous peut-être ? Oui, probablement. L’homme devait avoir quinze ou vingt ans de moins qu’elle. Mais Bess Sedgwick était une femme possédant une sorte de magnétisme.
Miss Marple observa le jeune homme un moment et convint qu’il était ce qu’on pouvait appeler « un beau garçon », mais pas tellement sympathique. « Exactement comme Harry Russel, se dit-elle, établissant comme toujours un parallèle avec le passé, incapable de rester sur le bon chemin et n’apportant rien de bon aux femmes qu’il rencontrait. Bien sûr, Bess Sedgwick n’écouterait pas un conseil venant de moi, et pourtant je pourrais lui en donner quelques-uns. » Néanmoins, les histoires sentimentales des autres n’étaient pas le rayon de Miss Marple et Bess Sedgwick, plus que toute autre femme, était capable de veiller sur elle-même.
Miss Marple soupira, acheva de déjeuner, et décida de se rendre au rayon de la papeterie.
La curiosité ou ce qu’elle préférait appeler elle-même « prendre de l’intérêt aux affaires des autres » était sans aucun doute une des caractéristiques de Miss Marple. Abandonnant délibérément ses gants sur sa table, elle se leva et traversa la salle pour aller à la caisse, empruntant un chemin qui la rapprocherait de la table de lady Sedgwick. Ayant payé sa note, elle « constata » l’absence de ses gants et, retournant à sa place pour les reprendre, elle laissa malencontreusement tomber son sac qui s’ouvrit et se vida. Une serveuse accourut, offrant son aide, et Miss Marple dut faire montre d’une grande gêne, lorsqu’elle laissa tomber son sac pour la seconde fois.
Elle ne gagna pas grand-chose à ces subterfuges, mais ils ne furent pas complètement vains, et elle nota avec intérêt que les deux objets de sa curiosité n’accordèrent pas autre chose qu’un regard distrait à la vieille lady si maladroite.
Tout en attendant l’ascenseur, Miss Marple se remémora les bribes de conversation qu’elle avait pu surprendre.
— Que dit la météo ?
— Pas de brouillard prévu.
— Tout est en ordre pour Lucerne ?
— Oui, l’avion s’envole à neuf heures quarante.
C’était là tout ce qu’elle avait pu entendre la première fois, mais au retour, la cueillette fut plus fructueuse.
Bess Sedgwick s’exprimait sur un ton coléreux :
— Qu’est-ce qui vous a pris de venir au « Bertram », hier ? Vous n’auriez jamais dû vous montrer dans les parages !
— Aucune importance. Je n’ai fait que demander si vous y étiez descendue et de toute manière, tout le monde sait que nous sommes des amis intimes.
— Là n’est pas la question ! Le « Bertram » est parfait pour moi. Pas pour vous. Vous y faites tache ! Tout le monde vous y a remarqué.
— Laissez-les dire !
— Vous êtes vraiment un idiot ! Pourquoi ? Pour quelle raison y êtes-vous allé ? Je sais que vous…
— Calmez-vous, Bess.
— Vous êtes un tel menteur !
C’était là tout ce que Miss Marple avait entendu. Pas inintéressant, tout de même…